dimanche 11 juin 2017

Dialogue d’une mère avec son enfant imaginaire

Dis maman ! Est-ce que tu m’aimes ?
Je t’aimerais quand je t’aurais conçu, mon enfant,
Pour l’instant, j’aime l’idée de ton existence.

Dis maman, qu’est-ce que c’est la pensée ?
La mémoire, la perception, l’organisation, la focalisation et bien d’autres choses encore.
J’ouvre les yeux et les oreilles depuis qu’on m’a mis au monde.
Mais je n’y suis pour rien.

Dis maman, qu’est-ce que c’est la matière ?
Je suis matière, faite d’interactions.
C’est tout ce qui interagit, et dont je peux prendre connaissance.
Tu es une idée dans la matière de ma pensée.
Ma pensée de toi est matière.
La matière est inexplicable, elle existe.
Ce qui est ne s’explique pas, mais ça se casse et se démonte.

Dis maman, qu’est-ce que c’est l’univers ?
Tous les lieux, et
Le lieu de la matière et la matière et l’illusion d’énergie et l’illusion de mouvement et le présent perpétuel qui se modifie sans cesse, et...
C’est Tout, le grand Tout, sans rien d’autre autour.
C’est le grand Objet sans surface extérieur.

Dis maman, qu’est-ce que c’est la vie ?
Moi, je vis mon enfant.
Toi, tu es une pensée dans ma tête,
Un désir de mon corps.

Dis maman, qu’est-ce que c’est la mort ?
La mort est la fin de la vie.
Alors tu redeviens une idée dans la mémoire des vivants.

Dis maman, est-ce que ton idée de moi doit mourir ?
Elle mourra avec moi, mon enfant.

Dis maman, qu’est-ce que c’est le monde ?
L’endroit où se dispute la vie.

Dis maman, qu’est-ce que c’est l’argent ?
Un moyen pour échanger des objets.
Un but dans la vie.
Un besoin pour acheter son corps.

Dis maman, pourquoi il y a des pauvres ?
Parce qu’il y a des riches, mon enfant.

Dis maman, qu’est-ce que c’est la dictature ?
Dis maman, qu’est-ce que c’est la torture ?
Dis maman, qu’est-ce que c’est l’esclavagisme  ?
C’est si je te mets au monde, mon pauvre petit.

Dis maman, qu’est-ce que c’est la maladie ?
C’est la torture de la nature sur les gens.

Dis maman, qu’est-ce que c’est la misère ?
C’est quand on court pour survivre et qu’on ne peut pas penser.

Dis maman, qu’est-ce que c’est la souffrance ?
C’est quand la chair malade rend malade la pensée.

Dis maman, qu’est-ce que c’est la douleur ?
C’est une sonnerie tellement forte que tu n’entends plus qu’elle.
Tu voudrais l’arracher de toi.
Mais tu n’y arrives pas.

Dis maman, qu’est-ce que c’est Dieu ?
C’est un piège de la pensée pour simple d’esprit.
C’est un conte pour endormir les enfants.
C’est l’ami imaginaire des adultes.

Dis maman, qu’est-ce que c’est l’âme ?
Ce n’est rien mon enfant, rien du tout.
Le corps c’est l’âme.
Mais ce n’est pas une entité, seulement un système continu,
Comme une boule de neige qui roule, grossit, puis s’arrête pour fondre ou se fracasser

Dis maman, qu’est-ce que c’est le paradis ?
Le paradis c’est la carotte divine.
Ça pourrait être la Terre.

Dis maman, qu’est-ce que c’est l’enfer ?
C’est le canon du révolver divin sur notre tête.
C’est le piège du grand Maitre chanteur.
Si tu signes, t’es une lavette, tu n’iras pas au paradis.
Si tu ne signes pas, tu n’iras pas au paradis non plus.
C’est la suite du conte pour faire peur aux enfants.

Dis maman, qu’est-ce que c’est le libre arbitre ?
Le libre arbitre c’est pour te punir.
Si je me trompe dans ta fabrication et ton éducation, c’est toi le coupable.
C’est plus facile et rentable pour la société.

Dis maman, qu’est-ce que c’est la punition ?
C’est apprendre par la crainte au lieu de vivre la joie.
C’est quand on n’aime pas son enfant.
C’est quand on ne sait pas l’éduquer.
C’est quand on ne sait pas la vie.
C’est quand on est submergé.

Dis maman, pourquoi est-ce que je dois vivre ?
Je dois matérialiser l’idée que tu es, mon enfant.
C’est ma torture contre ta torture.

Dis maman, qu’est-ce c’est le mariage ?
Un contrat écrit entre deux personnes devant témoins, mon enfant.

Dis maman, est-ce que je peux signer un contrat ?
Une idée ne peut signer un contrat, cher enfant.

Dis maman, qu’est-ce c’est le jeu ?
Le rêve c’est quand l’esprit et le corps n’ont rien à faire.
Le jeu c’est quand le corps rêve.
Il se secoue pour mettre les idées en place.

Dis maman, qu’est-ce c’est la loterie ?
Je ne sais pas si tu seras bon ou mauvais.
Je ne sais pas si tu seras intelligent ou crétin.
Je ne sais pas si tu seras bien ou mal portant.
Je ne sais pas si tu seras heureux ou malheureux.
Je ne sais pas si tu iras au paradis ou en enfer.
Je ne sais pas...

Dis maman, comment est née mon idée ?
Je ne sais pas, personne ne sait comment naissent les idées.
Un morceau de toi en moi.

Dis maman, est-ce que tu vas m’obliger à naitre ?
J’aimerais expérimenter la maternité, mon enfant.
J’aimerais te pouponner, te sentir, te cajoler.
J’aimerais te consoler, te voir rire, te voir courir.
J’aimerais tant t’avoir en chair et en os
Pour m’accompagner dans la vie que m’a imposée ma mère.

!
Mais, je n’aimerais pas te voir malheureux une seule seconde.
Je ne suis pas un monstre.
Personne ne peut soigner la violence d’une mise au monde.
Je préfère aimer ton idée plutôt que trop aimer mon propre désir de toi.
Alors je ne te créerai pas.
Je n’en ai pas le droit.

Dis maman, est-ce que ta mère est un monstre ?
L’univers ne peut faire de mécanismes allant à l’encontre de ses propres mécanismes.
Personne n’a donc de libre arbitre, enfant de ma pensée.
Le volcan n’est pas un monstre.
Ma mère non plus.
Mais le volcan n’apprend pas...


E. Berlherm

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